Cherche un toit

Publié le 2 Décembre 2014

Cherche un toit

Comme je suis à la porte de chez moi, et que je cherche un studio (dans Paris), je demande à Yoyo, comment il a fait pour trouver un toit (au Canada), dans un contexte plus que difficile pour lui. Je lui ai demandé l'autorisation de publier ici sa réponse, que je trouve magnifique et suffisamment particulière pour que tout un chacun puisse en tirer quelque chose.

" Hé bien, loin des démarches administratives, tout semblait venir des démarches intérieures profondes.

Je me suis ouvert et abandonné au Tao. Vraiment, tout le long, j'avais une foi incroyable. Je crois que sous l'oppression, l'horreur et le choc, le cerveau s'ouvre à l'univers cosmique magique. Pas besoin de religion. Les étoiles sont déjà tellement belles.

D'abord j'étais déprimé au point de n'avoir plus rien à foutre de l'avenir. Je n'avais rien, même pas un passeport. C'était déprimant et complètement affolant, mais c'était aussi une libération extrême. La plupart du temps, quand je revenais à ma foi du Tao, et que j'arrêtais de m'affoler, c'était une vraie joie d'être seul entre le caniveau et les étoiles. Libre, quoi. Chépa l'expliquer.

Quand je dis "être seul" je ne parle pas des sentiments de solitude ou d'exclusion sociale. Par "être seul" je veux dire que j'ai abandonné toute arrogance, avarice, ambition, obligation. J'étais libre de cette société qui ne convient plus à personne. J'étais redevenu animal en quelque sorte, dans une savane canadienne. J'étais Crusoé, ou Rousseau, loin de toutes ces perversions humaines centrées essentiellement autour de l'argent. J'étais enfin totalement marginal, mais sans plus me juger. De mon point de vue j'étais normal, vivant, profondément joyeux, et juste très pauvre. J'étais libre de toute culpabilité. Et ça, ça fait du bien.

Quand mon médecin a appris que j'étais à la rue, il a immédiatement entamé les démarches pour m'inscrire à la MDPH Canadienne. Une sorte de Cotorep. C'est comme ça que j'ai survécu financièrement jusque-là. Ils m'ont donné le RMI canadien et m'ont dit qu'ils me payeraient la moitié des études que je veux, si je veux. Après mure reflexion, l'herborisme chinois m'a choisi.

Donc, avec cette aide et avec cette liberté j'ai cherché à ne faire que du bien autour de moi à ceux qui n'avaient même pas cette aide. Ce n'était pas vraiment de l'altruisme. C'était parce que j'étais enfin content d'être loin de ses pataquès de culpabilité, de famille, de société. Je célébrais et je partageais ma détente et ma bonne humeur. Le Mat* à donf. C'est incroyable ce que ça détend de n'avoir plus rien à foutre de ce que peut penser le reste du monde. Quand j'avais faim, je donnais à manger aux sdf dans ma rue. Quand j'étais triste, ils me refaisaient rire. Les connaissances que je me suis faites, les nuits les plus noires comprenaient trop bien l'absurdité de cette situation, de cette société. Et elles ne se privaient jamais d'une crise de fou-rire à ce sujet. Car l'absurdité quand on la regarde bien, elle est hilarante.

Cliniquement parlant, je faisais beaucoup d'exercices et je jeûnais tout le temps (mais avec appétit !) ce qui me faisait produire des endorphines (anti-déprime anti-douleur). David Servant Schrieber avait écrit sur la valeur des endorphines contre la dépression. Mais il était trop riche pour comprendre ce que j'ai appris par la suite...

Car avec chaque "Bonne Action" de générosité et de "sacrifice," que j'accomplissais, je sécrétais des oxytocines (anti-solitude) et des dopamines (anti-jugement de soi) essentielles à ma survie psychologique. Et c'est ça qui m'a sauvé, pas mes addidas.

Je donnais 2 à 8 cours de yoga par semaine gratuitement, ouverts à tous surtout aux pauvres du quartier. En gros je suis devenu plus catholique que le pape quand j'étais dans le besoin, et le petit Jésus s'est assuré de mon bien-être psychologique et spirituel, royalement.

Mais maintenant, je me suis laissé reprendre aux jeux de sociétés (monopoly), aux pataquès débiles humains, et ça me saoule. Je ne veux pas vivre dans une tente le reste de ma vie sans eau courante, donc je sacrifie un peu de ma joie en échange d'une paire de bottes, de l'électricité et de l'eau chaude au robinet, mais je le fais cyniquement. Je sais qu'à la première occase qui se présente, je fous ce système par-terre. Ce système qui a créé dans le même pays, 492 milliardaires d'une part, et 16 millions d'enfants qui ont faim d'autre part. Sans compter environ 6 milliards de malheureux dans le reste du monde qu'on pille sans cesse pour tout, du café jusqu'au pétrole.

Le Tao c'est le yin et le yang, pas les riches et les pauvres. Les riches et les pauvres, c'est le chaos, et c'est de là que va renaître de ses cendres le Tao...

Voilà mon manifeste anarchique. L'anarchie que j'ai vécue a été un des plus grands bonheurs de ma vie. C'est au travers d'elle que je me suis nourri, logé, vêtu. Et c'est grâce à elle que je ne suis pas devenu complètement fou. "

Yoyo

* Le Mat est le vingt-deuxième et le dernier arcane des Tarots. Il représente un personnage partant avec son baluchon vers de nouvelles aventures. Il a fini un cycle et l'on devine qu'il en entreprend un nouveau. Il laisse la sécurité derrière lui. Il entend être libre.

http://veronikferry.wix.com/tarots

Rédigé par Ferry Véronik

Publié dans #Divers

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R
Suis scotché......<br /> <br /> Merci pour ce partage.<br /> Comment va tu, il faut qu'on essaye de se parler.
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